de Regno I. (6) notes

Les notes ci-dessous renvoient aux chapitres 7 à 9 du De Regno de SAINT THOMAS D'AQUIN. L'auteur y montre quelle récompense merveilleuse attend le vrai roi dans l'au-delà.

DE REGNO I. (7) : Gloire des bons rois




[1] La fin ou objet propre de l’action du Prince et, plus généralement, de l’homme politique est le bien commun. Mais qu’en est-il de bien propre du Prince ? Autrement dit, quelle sera la récompense qui lui sera motivation subjective et aussi rétribution due en justice de la part de la Cité ?

[2] La conception antique et médiévale de l’honneur n’est pas celle d’aujourd’hui, mais les arguments demeurent contre la recherche de popularité de la part des démagogues.

[3] Cf. saint Augustin, La Cité de Dieu, V, c.13.

[4] Cf. Tite-Live, Ab Urbe condita, XXII,39,20.

[5] Bellum Catil., c.54 ; cité par saint Augustin, La Cité de Dieu, V,12.

[6] Saint Augustin, La Cité de Dieu, V,18.

[7] Bellum Catil., c.10 ; cité par saint Augustin, La Cité de Dieu, V,12.

[8] La peur de l’opinion publique limite les dégâts.

[9] Salluste, Bellum Catil., c.11 ; cf. saint Augustin, La Cité de Dieu, V,19.

[10] Saint Augustin, La Cité de Dieu, V,19.

[11] Le gouvernement royal imite le gouvernement divin et en est le ministre : Dieu gouverne les hommes par l’intermédiaire du roi. Ceci vaut proportionnellement pour toute autorité politique. Sans doute Dieu meut chaque homme immédiatement comme cause première souverainement efficace (Summa Theologica I, 105, a3-4). Mais cette motion intérieure et subjective (qui exerce la sagacité des théologiens sur la question de sa conciliation avec la liberté humaine) n’exclut pas la motion extérieure et objective par l’intermédiaire du roi qui propose et impose par voie d’autorité le bien à accomplir au plan temporel. Saint Thomas entend exposer que seul Dieu peut donner au prince une récompense adéquate.

[12] Seule la vie éternelle est la récompense adéquate du Prince. A partir de ce point se développe une argumentation qui démontre que la fin ultime ou béatitude de l’homme est la vision de Dieu. En fait, cette argumentation n’a rien de spécifique au Prince ; elle convient pour l’homme en général. L’homme ayant une tendance naturelle au bonheur, la vertu lui est naturelle (Summa Theologica I-II, 63, a1). À qui comprend les notions de vertu et de bonheur il est évident que le bonheur est l’achèvement de la vertu. Cette argumentation semble quelque peu hors sujet dans cet opuscule politique. Saint Thomas a jugé utile d’en traiter ici et d’exhorter le lecteur au désir de la vie éternelle par cette argumentation qui résume ce qu’il expose en d’autres lieux.

[13] Que la vertu ait pour récompense la béatitude ou bonheur ultime est une vérité innée au sens où les premiers principes de la raison sont innés, non au sens des idées innées de Platon. Les termes de ces principes sont des notions premières, saisies dès l’éveil de l’intelligence, qui donne immédiatement son assentiment au principe qui les relie, nécessairement, sans raisonnement, par exemple : le tout est plus grand que la partie, tout ce qui agit agit en vue d’une fin, tout ce qui est en mouvement est mu par un autre. Cf. saint Thomas d'Aquin, Commentaire des Seconds analytiques d'Aristote, I, l44 ; Commentaire de l'Éthique à Nicomaque, II, l20, n592 ; VI, l3, n1148. Summa Theologica 51, a1.

[14] Saint Thomas d'Aquin, Commentaire de l'Éthique II, l6, n.307. Summa Theologica I-II, 55, a4. La vertu est la disposition aux actes bons, c’est-à-dire aux actes conformes à la nature et à la finalité de l’homme. Le mot ‘vertu’ implique tout ce qui constitue l’épanouissement et la perfection morale et intellectuelle de l’homme.

[15] Tout homme désire naturellement le bonheur. C’est ce désir de bonheur qui est le principe de tous les désirs et de tous les actes humains. Est bon (moralement) l’acte qui conduit au bonheur. Or, par définition, la vertu est ce qui rend l’homme bon. Donc la vertu conduit au bonheur. Cf. Aristote, Étique à Nicomaque, avec le commentaire de saint Thomas I, lectio 10.

[16] Le même raisonnement se trouve en Summa Theologica I-II, 1-3. Il vaut pour tout homme, non seulement pour le Prince.

[17] Le désir le plus fondamental est celui du bonheur. Un désir infini serait un désir qui ne serait jamais satisfait par aucun objet, un désir indéfini, c’est-à-dire non déterminé, qui s’appliquerait à des objets successifs sans qu’aucun ne puisse satisfaire. Un désir de bonheur sans que rien n’existât qui puisse procurer ce bonheur, sans que ce bonheur eût une nature déterminée, sans objet déterminé. « Infinita pertransiri non possunt » : une distance infinie ne peut être parcourue ; un mouvement sans terme ne sera jamais achevé ; un désir sans objet spécifique ne sera jamais satisfait. Tout désir de l’homme n'est pas susceptible d'être satisfait. Il peut lui naître des désirs exagérés, manifestement hors de toute possibilité et qui ne peuvent être satisfaits.Le désir du bonheur est naturel. Il n’est pas l’effet d’un choix délibéré ou d’un caprice ; il découle nécessairement de la nature. Il est inconsciemment au principe de tous les désirs, quand bien même l’homme ignore ce en quoi consiste son bonheur. Que ce désir soit vain, c’est-à-dire absolument impossible à satisfaire, signifierait que la nature humaine serait absurde.Ce raisonnement est une explicitation du principe de finalité. La nature humaine a une fin ultime. C’est cette fin ultime qu’on appelle bonheur. Quel est-il ? C’est ce qu’expose la deuxième partie du raisonnement.

[18] L’intellect a pour objet l’être en général, à la différence des sens qui ont pour objets des qualités sensitives spéciales (couleur, odeur, son, goût, toucher). Or l’appétit est proportionné à la connaissance et découle de la connaissance. Donc le désir naturel de la créature intellectuelle a pour objet le bien universel. Aucun bien ne peut satisfaire ce désir, sinon le bien absolument parfait qui transcende et comprend tous les autres. Toutefois, comme ce bien universel n’est pas immédiatement connu et appréhendé, ce désir naturel n’est pas une volonté ferme et définitive, mais une inclination indéterminée et inconsciente, orientation générale de la volonté, principe de tous les actes de volonté.

« Ainsi, les réalités désirées en second ne peuvent mouvoir l'appétit qu'en raison de son rapport avec le désirable premier, qui est la fin ultime. » (Summa Theologica I-II, 1, a6)
Autrement dit, si l’on désire quelque chose c’est en définitive parce qu’on désire être heureux ; mais ce désir de bonheur n’est pas forcément conscient.C’est pourquoi il y a en toute créature un amour naturel de Dieu, qui n’est pas l’amour de charité mais l’amour naturel de la créature pour le créateur.
« Aimer Dieu par-dessus tout est connaturel à l'homme, et aussi bien à toute créature, non seulement rationnelle mais irrationnelle, voire même inanimée, selon le mode d'aimer qui convient à chaque créature. La raison en est qu'il est naturel à chaque être de désirer et d'aimer quelque chose conformément à son aptitude naturelle [l’amour et le désir d’une chose ont lieu en chaque être selon la nature de cet être : l’homme n’aime pas comme le chien] ; Aristote écrit que ‘toute chose agit selon son aptitude naturelle’. Or, il est manifeste que le bien de la partie est pour le bien du tout. D’où il suit que chaque être particulier aime, d'un appétit ou amour naturel, son bien propre en vue du bien commun de tout l'univers, qui est Dieu. Et c'est pourquoi Denys écrit (De divinis nominibus) : ‘Dieu fait converger toutes choses vers l'amour de lui-même’. » (Summa Theologica I-II, 109, a3)

[19] La notion de béatitude étant expliquée on cherche en quoi consiste précisément ce bien universel. On montre tout d’abord que ce ne peut être un bien terrestre.

[20] Cet autre raisonnement s’appuie sur le principe suivant : le bien de l’inférieur est dans la soumission (ou l’assimilation) au supérieur.
« La raison naturelle prescrit à l'homme de se soumettre à un être supérieur, à cause des déficiences qu'il éprouve en lui-même et qui le mettent dans la nécessité de recevoir aide et direction de cet être supérieur. Quel que soit cet être, il est celui à qui tous les hommes donnent le nom de Dieu. Mais, de même que dans la nature les êtres inférieurs sont naturellement soumis aux supérieurs, de même la raison naturelle prescrit à l'homme, selon son penchant inné, de rendre à qui est au-dessus de lui soumission et honneur, à sa manière. » (Summa Theologica II-II, 85, a1).

[21] Cet autre raisonnement, valable aussi pour tout homme, est spécialement appliqué au Prince à l’aide d’une citation de saint Augustin.

[22] Les autres êtres sont bien causés par Dieu comme première cause, par l’intermédiaire des causes physiques. Mais chaque âme humaine est immédiatement créée par Dieu. Cf. Summa Theologica I, 90, a3 ; 93, a4.

[23] Cette opinion a été réfutée plus haut. Il est vrai que l’honneur et la gloire sont la récompense du roi, mais pas en ce monde !

[24] Cette fois l’argument vaut proprement pour le roi (il vaut aussi pour l’homme politique en général, dans la mesure de sa participation au pouvoir). On présuppose qu’il y a différents degrés dans la béatitude éternelle. Cf. Summa Theologica I, 12, a6.
Ce chapitre apporte, cette fois, un argument propre pour démontrer que seule la vie éternelle est la récompense adéquate du roi. Le gouvernement étant la plus élevée des œuvres humaines, du fait que la politique domine toutes les œuvres humaines, la récompense éternelle propre au roi est supérieure à toutes les autres.

[25] « Il est plus parfait d'être bon soi-même, et en même temps cause de bonté pour les autres, que d'être simplement bon en soi. C'est pourquoi Dieu gouverne les êtres de telle manière que certains d'entre eux puissent être, en gouvernant, cause de bonté pour les autres. Ainsi le véritable maître ne fait pas seulement de ses disciples des savants, mais encore des enseignants. » (Summa Theologica I, 103, a6)

[26] Cet argument est différent du premier. Il y a une différence essentielle entre la fonction royale et les autres fonctions, pas seulement une différence quantitative du point de vue de l’extension. Autant le bien commun l’emporte sur le bien particulier, autant la récompense en est supérieure à celle qui est due au bien particulier, c’est-à-dire à la vie vertueuse privée.

[27] Cette priorité du bien commun politique a son exemplaire divin. Dieu aurait pu et pourrait empêcher tout mal. Il préfère le permettre pour la plus grande beauté de l’univers et de l’Église. Cette vérité est un aspect du grand mystère de l’économie du Salut et de l’Œuvre divine. Cf. Summa Theologica I, 22, a2, ad2 ; 23, a3 ; 48, a2 ; 49, a2.

[28] On considère ici la nature des biens causés, non l’extension quantitative.

[29] Omne agens agit sibi simile : tout agent produit un effet semblable à lui-même. Cf. Commentaire de la Métaphysique, VII lectio 8, n1443-1457.

[30] Le Prince imite Dieu en ce que son gouvernement est à la société politique ce que le gouvernement divin est à l’univers. Des notes du gouvernement divin on pourra déduire analogiquement celles du gouvernement humain. Cf. Summa Theologica I, 103-105. Cette idée de l’exemplarité divine domine toute la théologie de la création et des créatures. Cf. Summa Theologica I, 4 ; 15 ; 44, a3.

[31] Aristote, Éthique à Nicomaque V, c.3.

[32] Le vice spécial des princes est l'orgueil.


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